mercredi 14 janvier 2015

Roma - Reggio Calabre

Bain de foule à Rome...

C'est le début des vacances de Noël, les rues sont encombrées. Il y a du monde partout. La moindre place est prise d'assaut, les sites sont inaccessibles au vu de l'immense queue qui les enroule.
Flâner dans les rues de Rome, dans une chaleur retrouvée, est un vrai régal, malgré la foule. Colisée, Forum Romain, Capitole, Panthéon, Place d'Espagne, sans oublier la célèbre Piazza Navona tout droit sortie de nos brochures d'italien... jusqu'à la célèbre Basilique Saint-Pierre, que nous atteignons au soleil couchant. Les chants résonnent à l'intérieur de l'édifice, la messe vibre, la foule se meut, tandis que fourgons de carabinieri et voitures de pompiers se massent à l'extérieur, attendant de voir ce que fera l'homme en noir, infime silhouette perchée sur l'étroit rebord de la Basilique, la tête dans le vide.

Les rues ont pris les couleurs de Noël, les fontaines crachent couleurs et bons vœux. Le soir, nous noyons notre fatigue dans de généreuses assiettes de lasagnes, cannellonis, gnocchis et pasta alle vongole, le tout délicieusement maison.
Une heure de différents bus pour regagner notre aire. Les yeux de Loïse clignotent alors que débattent bruyamment autour d'elle les romains, autour du thème de l'enfant.

Klaxons et hululements des sirènes nous accompagnent toute la nuit, au bord de cette gigantesque avenue qui mène à Rome, la Casilina.











Le Rome des clichés....

Ça roule dans tous les sens, c'est l'anarchie complète dans la banlieue de Rome. Il faut se débarrasser au plus vite des règles de politesse et de fair-play "à la Suisse", s'imposer... ou rester sur la touche. En tant que piéton, la vigilance est de mise. Même lorsqu'on traverse au vert.

La pasta di casa, le lasagne, le cannelloni, le bruschete, le pizze, le specialità romane... Ce n'est pas un mythe, c'est tout simplement famoso!!! Le rayon "pâte" surpasse tous les autres dans les magasins, les odeurs embaument les ruelles de la ville.... Les narines en éventail, il n'y a  plus qu'à se laisser guider!

L'identité est forte. On est corse avant d'être français, on est basque avant d'être espagnol, on est valaisan avant d'être suisse..... on est romain et napolitain avant d'être italien.

Pas de doute, le football est une institution en Italie. La "Super Coupe" entre la Juventus et Napoli nous en a définitivement convaincu, sur cette jolie terrasse égarée dans les quartiers populaires de Rome. Rage, désespoir, tension extrême, joie.... Toute une palette d'émotions pour peindre cette soirée alors que la pasta da casa refroidissait dans les assiettes. Jusqu'au dernier tir au but vainqueur de Napoli, qui a définitivement détendu l'atmosphère... et sonné le début des festivités.


L'enfant, et plus encore le petit enfant, est indubitablement au centre de toutes les attentions. A plusieurs reprises, dans les bus et les métros, les gens se lèvent pour laisser la place à Loïse allant jusqu'à enguirlander copieusement celui qui ne cède pas la sienne. Et, au milieu de cet esclandre, la petite qui décidément n'y comprend rien, elle qui avait appris à se lever pour laisser son siège aux adultes.

Le 23 décembre, on file vers le sud, pour notre rendez-vous plein de mystère de 16h06 et 30 secondes devant le stade de foot de Martina Franca avec Laurent, Estelle, Anouk et Gabin.
Nous y arriverons finalement à 18h30. Retrouvailles pleines de chaleur dans le froid glacial de la ville.

Une heure plus tard, après avoir grimpé x fois sur les murets de pierre et empoigné les branches récalcitrantes des oliviers, nous atteignons, avec quelques griffures de plus sur la carcasse et un feu supplémentaire cassé, un petit coin de paradis égaré au milieu de nulle part. Et... surprise, nous quittons Caracol pour un lit confortable, froid mais sec, dans un charmant "trulli" où vagabonde l'odeur d'un feu de bois.



Les quatre jours suivants ne sont que repas, rires d'enfants et échanges autour du feu de bois crépitant. Une côte de bœuf grillée dans la cheminée, des pommes-de-terre à la braise et des petits légumes pour la veillée de Noël, un Père-Noël qui se fait attendre mais finit par arriver, d'excellentes pizzas dans le four à pain du jardin pour le 25, pains et tresses un peu oubliés et carbonisés mais quand-même délicieux une fois débarassés de leur croûte calcinée....















Entre deux repas et trois apéros, douces flâneries dans la cité historique de la charmante ville d'Ostuni, de jour comme de nuit, pour découvrir la vie d'antan dans des ruelles parées d'étoffes et de lumières, exhibant à chaque coin de rue riches bourgeois, cracheurs de feu, tisserandes, joaillers, foules massées dans la synagogue, empailleurs et autres artisans sortis tout droit de l'histoire. Jusqu'à la crèche vivante où languissent chèvres, ânes et bœufs en attendant que Jésus naisse. Ce sont les fameuses "Presepe Vivente" qui animent grand nombre de centres historiques du sud de l'Italie entre Noël et la fête des Rois.
Le froid est vif, un vent glacial s'insinue dans les venelles de la cité. Vin chaud et "polpelle", petites boules de pain frites, spécialités de la région, nous réchauffent, mais pas assez.

Ostuni
                                                


                                     



plage entre-saisons

 





Et c'est déjà l'heure de la séparation. Brève puisqu'on les retrouvera quelques jours plus tard pour fêter ensemble la nouvelle année, on ne sait encore où.... 
Surprise! Les enfants n'en savent rien.

Nous reprenons nos vagabondages, quittant ce havre de paix pour la petite ville de Cisternino. Depuis une semaine, une seule contrainte: celle de trouver un bar avec wi-fi pour mettre en ligne les blogs. Le nôtre a enfin passé après plusieurs essais infructueux, des buggs, des pertes et autant d'aperitivi, mais celui des filles est récalcitrant. Impossible de charger les chants de Noël pour les grands-parents,cousins, cousines et petits copains. Une fois de plus, c'est le fiasco.

La petite ville nous retient cependant avec ses affichettes invitant à une nouvelle "Presepe Vivente" dans les rues de la cité. Nous dormons dans la ville, au bord d'une placette animée et d'une route bruyante. La balade dans la cité nous enchante, mais il fait décidément trop froid pour nos chaussures légères et fines softshell. 
Cette fois-ci, se sont des dizaines d'enfants déguisés, représentant les différents métiers du temps de Jésus, qui animent la vieille ville. On y assiste à la fabrication des pâtes, à la cuisson du pain au feu de bois, au pressage du raisin... pour finir par échouer à la crèche où est assis, courageux, un petit Jésus à lolette.

Cisternino





Nuit froide, qui sent la neige.

Cap sur Alberobello, village des Pouilles aux "trulli" typiques. 
Magnifiques en effet, toutes ces maisonnettes aux cônes couleur pierre, ornées de différents symboles porte-bonheur censés éloigner le mauvais œil. Magnifiques, mais dénaturées par la multitude de boutiques de souvenirs, et les hordes de visiteurs dévalant les ruelles en pente. L'illumination nocturne vaut néanmoins le détour, avec ces milliers d'étoiles bleues, blanches et rouges qui balaient les façades et font la joie de Zoé et Loïse.





Le lendemain, nous nous réveillons avec la neige, et renonçons à notre visite du pittoresque village troglodyte de Matera, perché à 650 mètres dans la montagne. Ce sera pour le retour. Pour l'heure, nous sommes plutôt pressés de rejoindre la mer Thyrénéenne, à 250 kilomètres de là, et notre nouveau lieu de rendez-vous, avant d'être bloqués sur un col. Guère envie de tester la neige avec nos pneus d'été, ni de chaîner Caracol.

Nous nous perdons sur les routes des campagnes piquées de trullis splendides, avant de tracer à travers les montagnes.





Quelques sueurs froides au passage des cols, de nuit, alors que la glace nous surprend soudain dans un virage. Le balai des saleuses nous accompagne jusqu'à la mer, où nous arrivons finalement sans encombre, alors que la nuit est déjà tombée depuis plusieurs heures.
Et, avec la nuit, le genre de surprise moins agréable, rare mais inhérente à cette vie de "nomades": ne trouvant nul endroit où nous poser, nous trifouillons la côte, vertigineuse jusqu'au village suivant à 25 kilomètres de route étroite de là. Cinq kilomètres avant d'atteindre le village, la route est barrée pour cause de travaux. Une petite Fiat parvient encore à se faufiler entre les barrières, mais avec notre mastodonte... impossible de la suivre. Demi-tour. N'ayant rien vu d'autre qu'une petite place de parc devant une maison isolée, nous sonnons à la porte et demandons l'autorisation de nous y mettre. Impossible, c'est celle des voisins, mais le fils de quinze ans déplace les deux voitures de la maison pour nous laisser leur place. Et revient cinq minutes plus tard avec un magnifique  Panettone bleu azur, "per le bambine...". Tant mieux, il est déjà 22 heures...  aucune envie de cuisiner.


Le lendemain, une mer bleu saphir s'étend à nos pieds. Le " parrain" de cette maison de luxe nous accueille avec une grande gentillesse, malgré son regard bleu acier, la servante nous dorlote avec cafés, chocolats chauds... et une débandade de douceurs plus extras les unes que les autres, allant de la figue du Cilento enrobée de chocolat aux pâtisseries au miel de Noël de la maman de notre chaleureux hôte. On repart repus, la tête pleine de recommandations et anecdotes sur la mentalité de l'Italien du sud, avec dans les mains un énorme saucisson maison des porcs de son village, accompagné d'un magnifique "Cotechino Cotto", saucisse que l'on consomme habituellement le soir du 31.

Un premier contact plein de chaleur.... et d'une grande générosité.
Sourires, accolades, petits brins de conversation nous accompagneront tout le long de cette Côte Thyrénéenne. Des gens sympathiques, spontanés. On réalise aussi à quel point maîtriser la langue d'un pays facilite le contact.

Sur le chemin du retour, coup de cœur pour le superbe village de Pisciotto, accroché à la colline. La vie s'y écoule paisible, les vieux du village se réfugient dans les bars, soigneusement encapuchonnés à cause du froid glacial qui continue à bouleverser le sud de l'Italie, comme le reste de l'Europe. Les températures ne descendent habituellement guère en-dessous de 14-15 degrés en hiver, la journée. "Avant-hier, il faisait encore 18 degrés" nous assure un sympathique monsieur au visage creusé par le temps et le travail, qui a passé quinze ans en Belgique.
Pour l'heure, on tremble de froid du matin au soir.








Nous retrouvons Laurent et Estelle par hasard dans un bar de Palinuro, alors que nous tentons une ennième fois de mettre en ligne le blog des filles et de les atteindre. Les enfants ont le sourire qui ronge les oreilles, les parents aussi.



Nous partageons à nouveau trois magnifiques journées dans un appartement surplombant la mer, sans grand charme mais pratique, bien que difficile à chauffer. Il fera de toute façon meilleur que dans le bus, qui gèle la nuit. On retrouve au petit matin de la glace dans les armoires qui continuent à prendre l'eau.

Les apéros n'en finissent pas, les dégustations des différents crus de la région non plus. Le 31, après avoir vainement cherché truffes et crustacés dans les négoces de la station endormie, nous nous replions à nouveau sur deux gigantesques côtes de bœuf qui nous régaleront deux soirs. C'est avec un excellent champagne de Fonjallaz d'Epesses, où Laurent et Estelle tiennent la fameuse et incontournable "Auberge du Vigneron" que nous passons le cap, avec deux bambins endormis et deux fillettes, les yeux écarquillés bien que tombants, devant les feux d'artifice du village.







Le troisième jour enfin, le vent sibérien se calme, les températures reprennent un peu de corps, et c'est sur une magnifique et presque chaude balade vers le phare dominant la baie de Palinuro que s'achève notre super séjour avec la famille Frutig.
De part et d'autre, on aurait bien prolongé encore, d'autant plus que la chaleur semble pointer à nouveau....




Nous reprenons la route, dans l'après-midi.

Magnifique mais étroite route côtière creusée dans la roche sur les vingt kilomètres de la Basilicate, entre mer azur et montagnes parfois encapuchonnées de blanc. Avec une seule et longue prière: celle de ne croiser personne!





Nous dormons la première nuit sur le parking de Maratea, après avoir été étrangement accueillis par un vieil homme charmant et muet, "toqué" du passeport, œuvrant soi-disant pour la sécurité du bled. Petit bourg médiéval aggripé à la colline, écartelé entre la montagne et la mer, il nous fait passer d'une atmosphère à l'autre, en un seul tour de tête.




Le lendemain, une joyeuse balade nous mène au gigantesque "Cristo" de pierre dominant la vallée et la mer. Évoluant en pleine Basilicate, les filles jouent à se faire peur, traquant sur le sentier touffu l'affreux "Basilic" des "P'tites Poules". Du sommet, vue splendide sur la Côté Tyrénéenne. On plane, embrassant d'un seul coup d'oeil la Campanie au sud de Naples, la Basilicate et la Calabre s'étirant vers le sud.










Un peu tendus quand-même lorsque nous entrons en Calabre, avec toutes ces histoires de "parrains" que nous avons entendues, certaines régions des montagnes étant décrites comme des nids de vipères... Un peu secoués aussi par tous ces tremblements de terre à répétition qui ont ravagé la région.

Petit saut de puce à Tortora, hameau à l'alchimie toute particulière.... étrange mélange d'habitations et de ruines qui font les cœurs historiques des villes et villages calabrais.
Déambuler dans les rues nous projette dans un autre temps. Aïoli, diesel et odeur de pierre et terre humides coulent dans les veines du hameau. 


Tortora





La nuit est tombée, et comme chaque soir, nous cherchons un coin pour nous poser. Deux camping-cars attirent notre regard.... et nous voici parqués sur une aire presque déserte, une des rares à être encore ouverte, à un jet de pierre de Diamante, la ville des mangeurs de pimento, où se déroule chaque année un concours à l'issue duquel est couronné le plus "chaud" mangeur. Aucune envie de concourir, au vu de nos quelques hot expériences. La plage n'en est pas moins belle et sauvage en hiver... et nous retiendra finalement une semaine. On y est tellement bien! Ce n'est pas tous les jours que nous nous retrouvons les pieds dans l'eau au saut du lit!


On ne se lasse pas, soir après soir, d'admirer le ciel qui s'embrase, véritable éruption de chaleur et de couleurs.

















Un crépuscule particulièrement net nous offre même, le dernier jour, la vision de trois Iles Éoliennes s'embrasant discrètement dans la lumière du soir. Le Stromboli, égaré dans son halo de fumerolles...


Diamante... On commence à s'y sentir comme à la maison. On connaît la ville dans ses moindres coins et recoins, la plage semble nous appartenir, la petite île au large aussi. Il est temps de larguer les amarres...


A à peine six kilomètres de Diamante, le charmant bourg de Belvedere Maritimo nous accroche déjà.


Pizzo et Tropea, jolies villes construites sur une falaise nous retiennent ensuite, le temps d'une flânerie dans leurs rues étroites et d'un marché, où les fermiers du coin étirent leur rides dans un grand sourire, en écoulant leurs légumes savoureux. Quel privilège cette année, de pouvoir manger courgettes et brocolis de saison... en plein hiver, et d'échapper aux choux, raves, et autres légumes peu ragoûtants. Les oranges et les mandarines, douces, fraîches et juteuses sont, quant à elles, à tomber!

On apprécie par-dessus tout en Italie le foisonnement des petits commerces qui dynamisent encore les villes et villages, alors que chez nous ils se sont fait grignoter depuis belle lurette par les grands centres commerciaux. Macelleria, formaggeria, frutteria, pasta fresca, papeteria où l'on achète encore les enveloppes à la pièce... et toutes les mini-épiceries qui font plus que dépanner et ne désemplissent pas.


A Tropea, ce sont à présent les sept Iles Éoliennes qui scintillent au loin, et nous invitent au voyage....
Pizzo
Le Stromboli
 

Tropea


A mesure que l'on gagne le sud, mandariniers, citronniers et orangers nous font des courbettes et resplendissent dans les vergers, alors que les poubelles éventrées, les déchets de toutes sortes et les containers débordant se multiplient sur les bords de route, les plages et les villes.
La côte est moins belle, moins sauvage, exception faite du Capo Vaticano, magnifique, mais les rencontres sont toujours aussi sympathiques. Les cadeaux de bienvenue se multiplient: petits pains à la boulangerie artisanale du bled, gigantesques oranges qui tiennent du pomelo au seuil de Caracol et d'une nuit, beignets de poissons, avec toujours le même sourire, accompagné d'un "Benvenuti in Calabria!" sonnant.

Passé Tropea, la présence de la communauté noire s'accroît et nous rappelle, en même temps que toutes ces histoires tragiques de réfugiés, que Lampedusa n'est pas loin. Se posent les questions de la  cohabitation entre les différentes communautés, et des conditions de vie qui sont les leurs, lorsqu'on les voit, à la nuit tombée, revenir des champs de mandariniers la bicyclette chargée de branchages.


Les filles sont toujours aussi enthousiastes. Leurs jeux (on joue à "on disait que?") ne connaissent plus de limites, elles ont toute la journée pour elles. 
Bientôt déjà, la moitié du voyage, peut-être la moitié de la route... ou pas. Étrange comme on se sent soudain projeté vers l'été, à peine passé le cap de la nouvelle année. 
Et déjà, on se pose la question du retour et de leur réadaptation, lorsqu'on les voit courir, rire et sauter sur la plage, mordre le présent à pleines dents, sans autre souci que celui de vivre...
Capo Vaticano


Dernière halte à Palmi. Les Îles Éoliennes sont toujours là, à nous envoyer mille et un clins d'œil, tandis que la Sicile nous semble à présent tellement proche qu'il suffirait de tendre la main pour la toucher. L'Etna émerge des nuages, à la fois figé dans son manteau de neige, et indubitablement vivant sous sa calotte de fumée....



Les filles se projettent déjà, dessinant les contours de volcans sur le sable, en cet fin d'après-midi de janvier....



Demain, 14.01, cap sur la Sicile.... et après, on verra. 
Peut-être quelques jours de vacances, pour récupérer du voyage?